4 avril 2023

Mois de l’autisme : Comprendre l’inclusion des personnes en situation de neurodiversité au travail

Un entretien avec Sarah Mjidou, notre Directrice Principale, Transformation numérique, Technologies de l’information

Dans le cadre de notre engagement à être un employeur inclusif, nous redoublons d’efforts pour développer une culture plus inclusive et plus collaborative. A ce titre, nous nous soulignons le mois de sensibilisation à l’autisme. Au cours des dernières années, nous avons lancé plusieurs initiatives, dont la mise en œuvre d’un partenariat pilote visant à accueillir des personnes autistes au sein de nos équipes. Sarah Mjidou explique l’importance de la prise en compte de la neurodiversité au sein de l’entreprise et de l’enjeu que représente l’intégration des personnes autistes dans le monde du travail.

Pourquoi Ivanhoé Cambridge s’implique dans le mois de l’autisme et la neurodiversité ?

Sarah Mjidou : En tant qu’employeur, notre vision est de créer un avenir inclusif. Nous faisons de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI) une priorité et un impératif d’affaires. Lorsque nous avons lancé notre stratégie DEI il y a deux ans, l’un de nos objectifs était d’avoir une plus grande ouverture d’esprit par rapport au handicap, notamment par rapport aux conditions liées à la neurodiversité. Dans ce cadre, nous souhaitons offrir le meilleur accueil possible pour les personnes employées ayant une condition liée à la neurodiversité afin que ce sujet ne soit plus un tabou. Or, le handicap est en encore un sujet tabou. Nous sommes dans une phase d’éducation et de sensibilisation en continu, auprès de l’ensemble de nos équipes, afin de faire d’Ivanhoé Cambridge un employeur inclusif. A ce titre, prendre la parole pendant le mois de l’autisme est un signal fort de notre engagement afin de faire évoluer les mentalités. Nous nous engageons aussi à mettre en œuvre des actions concrètes afin d’assurer l’inclusion des personnes neurodivergentes. Notre objectif est également d’accompagner nos équipes dans l’inclusion des personnes autistes ou neurodivergentes.

Qu’est-ce que la neurodiversité ?

Sarah Mjidou : La neurodiversité est un terme très large qui correspond à la variation neurocognitive naturellement présente dans la population humaine. En ce sens, la neurodiversité est l’ensemble des différents profils qui correspondent à cette variation neurocognitive naturelle : elle recouvre donc l’ensemble de la population. Parmi les profils dits neurodivergents, nous retrouvons par exemple l’autisme, les profils dits « TDAH », les profils « dys » (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dysphasie, dyspraxie) et le profil de Gilles de la Tourette.

Quant à l’autisme lui-même, il se caractérise par des altérations significatives dans différents domaines : communication et interactions sociales et comportements, activités et intérêts spécifiques. Ces altérations représentent donc un continuum qui varie de léger à sévère et ils limitent et altèrent la vie au quotidien. Comme elles peuvent varier d’une personne à l’autre, chaque personne autiste est un cas particulier : il est donc impossible de généraliser une définition de l’autisme.

Pourquoi le sujet de la neurodiversité est-il personnellement important pour vous ?

Sarah Mjidou : Il y a plusieurs années déjà, dans une précédente expérience professionnelle, j’ai recruté un jeune homme autiste qui sortait de l’école. Cette expérience fut très intéressante pour moi alors, qu’à l’époque, je n’avais aucune connaissance sur l’autisme. Dès les premières minutes de l’entretien d’embauche, je me suis aperçu qu’il fuyait mon regard, qu’il répondait maladroitement à mes questions alors que son CV et ses relevés de note étaient excellents. Je me suis donc adaptée en décidant de ne pas suivre le schéma traditionnel des entretiens de recrutement. Je suis sortie du cadre et je lui ai alors soumis un test technique qu’il a terminé en quelques minutes seulement. Le résultat était parfait. Par la suite, mon rôle a été d’accompagner ce jeune homme dans son parcours au sein de notre équipe et de notre organisation. Cette première expérience avec l’autisme m’a permis d’apprendre à mieux travailler avec des gens vivant avec une condition liée à la neurodiversité. Aujourd’hui, je suis également maman d’un petit garçon, âgé de neuf ans qui a un trouble du spectre de l’autisme. Cette expérience personnelle m’a permis d’en apprendre davantage sur ce handicap, de comprendre l’exclusion sociale dont peuvent être victimes les personnes autistes.

Comment peut-on accompagner nos équipes dans l’inclusion d’une personne neurodivergente ?

Sarah Mjidou : D’abord, il est important de souligner que chaque personne neurodivergente est unique. Accueillir une personne autiste ou neurodivergente peut comporter des avantages et des défis. Il est indispensable de faire preuve d’une grande ouverture d’esprit, d’être attentif et à l’écoute, et de d’avoir une bonne capacité d’adaptation. Par exemple, nous pourrions être amenés à revoir certains comportements sociaux automatiques pour nous, mais qui pourraient ne pas correspondre du tout au mode de fonctionnement d’une personne neurodivergente. Chez Ivanhoé Cambridge, dans le cadre d’un partenariat pilote, nous sommes heureux d’accueillir des personnes autistes au sein d’une de nos équipes. Une formation a été offerte en interne. Nous avons également recours à un coach, dit coach d’adaptation, dont le rôle est de travailler avec l’équipe afin de parler des bonnes pratiques et de répondre aux questions.

Quel bilan tirez-vous des initiatives mises en œuvre sur la neurodiversité ces dernières années ?

Sarah Mjidou : Au cours de ces deux dernières années, nous avons publié un article de sensibilisation à la neurodiversité et nous avons également organisé un webinaire réunissant la société Auticon, spécialisée dans le recrutement de personnes autistes, et Mathieu Giroux, expert et enseignant, lui-même autiste, qui nous a livré son expérience personnelle. Ces initiatives ont libéré la parole au sein d’Ivanhoé Cambridge et ont suscité un intérêt croissant des équipes pour en savoir plus sur la neurodiversité et l’autisme en particulier. Nous sommes fiers de poser des actions concrètes et de constater une réelle ouverture et mobilisation au sein des équipes d’Ivanhoé Cambridge. Grâce à ces initiatives, le spectre de la diversité s’élargit au sein d’Ivanhoé Cambridge. Nos actions portent leurs fruits. Nous continuons à travailler intentionnellement afin de créer un environnement où chaque personne puisse s’épanouir et contribuer, de manière authentique, au succès d’Ivanhoé Cambridge.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Sarah Mjidou : Il faut continuer notre travail de sensibilisation, d’éducation et de pédagogie. Nous devons continuer à parler de plus en plus de ce sujet afin, je l’espère, de faire tomber les tabous et les a priori. Il faut surtout que les gens osent. Nous avons au sein d’Ivanhoé Cambridge, des personnes neurodivergentes qui n’osent pas en parler. Les gens ne veulent pas encore en parler car ils craignent qu’on leur colle une étiquette, qu’on leur fasse moins confiance. J’espère donc que dans quelques mois, quelques années, ce sujet ne soit plus un tabou et que les gens ne soient plus stigmatisés. Je rêve du temps où les personnes employées neurodivergentes n’auront aucune réserve pour en parler le plus librement possible. Cependant, la bataille est encore loin d’être gagnée et nous devons encore faire tomber beaucoup d’a priori.

Quelle place faut-il selon vous accorder à la neurodiversité au travail ?

Sarah Mjidou : Nous avons aujourd’hui une plus grande ouverture d’esprit sur ce sujet. Toutefois, dans la Silicon Valley, il y a depuis 10 ou 15 ans déjà des programmes de recrutement spécialisés. Au Québec, le taux de chômage des personnes autistes est très élevé, principalement à cause du processus d’entretien de recrutement traditionnel qui constitue un obstacle majeur pour ces personnes. Au Québec, nous savons que 1 enfant sur 66 est diagnostiqué sur le spectre de l’autisme. Or, ces enfants représentent les talents de demain. Il est donc impératif de se préparer. Ce sujet est loin d’être anodin. Nous savons que des personnes avec une condition liée à la neurodiversité peuvent constituer un avantage compétitif pour une organisation. Ce sont donc des talents que nous nous devons d’intégrer et d’accueillir dans les meilleures conditions possibles afin d’élargir notre bassin de personnes employées.


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