Au début du mois de novembre, j’ai eu l’occasion de participer à deux tables-rondes lors de la COP26 à Glasgow. Les discussions portant sur notre industrie ont été riches et un consensus s’est rapidement dégagé sur la nécessité d’accélérer notre transition environnementale. La décarbonisation de notre économie et l’atténuation des menaces imminentes dues au changement climatique et à ses effets négatifs sur la planète, sans oublier l’obsolescence de nos actifs, sont aujourd’hui une priorité pour notre industrie. Principale classe d’actifs au monde, l’immobilier est en effet responsable de 40% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Nous devons donc développer des propriétés durables et construire un modèle économique résilient. Nous sommes engagés dans une véritable course contre la montre, une course que nous devons gagner tous ensemble.
Atténuer la double menace : obsolescence des bâtiments et érosion des valorisations
Jusqu’à récemment, il était largement admis que le changement climatique aurait un impact sur l’immobilier soit physiquement – par l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles affectant les bâtiments – soit d’un point de vue financier par le biais de politiques et réglementations sur le carbone. Soyons réalistes : l’impact sur notre secteur viendra des deux côtés, représentant à la fois des risques et des opportunités pour les investisseurs de long terme comme nous. Chez Ivanhoé Cambridge, nous avons déjà pris des mesures audacieuses pour réduire fortement nos émissions de gaz à effet de serre et nous nous sommes engagés à atteindre la neutralité carbone d’un point de vue opérationnel d’ici 2040.
Rénover ou construire : redéfinir la chaîne de valeur et mieux valoriser les investissements verts
Outre les approches durables en matière de constructions neuves, l’atteinte de ces objectifs dépend de notre capacité à financer et à réaliser la transition bas carbone des bâtiments existants. Cette transition nécessite des investissements considérables, mais comment ces investissements verts (ou « CAPEX vert ») peuvent-ils trouver leur place dans le processus traditionnel de valorisation des actifs ? Un profond changement de paradigme est impératif dans l’industrie immobilière. De fait, les modèles de valorisation des actifs immobiliers ne sont pas adaptés pour prendre en compte les performances extra-financières ni pour refléter les coûts futurs du carbone. Les CAPEX pèsent sur la valorisation des actifs ; or, nous sommes convaincus que les investissements verts devraient, au contraire, avoir un impact positif sur cette valorisation. J’appelle donc mes pairs du secteur immobilier à réfléchir sérieusement à la manière dont nous pourrions réellement prendre en compte la performance ESG dans les chiffres et lier la performance financière à la performance carbone sur l’ensemble du cycle de vie d’un bien immobilier. Attribuer ainsi leur valeur réelle aux actifs réduirait le risque en matière d’adoption de solutions durables et aiderait les investissements à s’orienter davantage vers ces projets vertueux.
Verdir les circuits financiers et associer les collaborateurs aux performances ESG… et à l’avenir de la planète
Pour réussir cette monumentale transition vers une économie bas carbone, il est impératif d’aligner les intérêts économiques de l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur. Chez Ivanhoé Cambridge, nous avons déjà conclu un accord avec 12 de nos banques pour ajuster à la hausse comme à la baisse le coût de nos prêts et de nos crédits d’entreprise en fonction de nos progrès par rapport à nos objectifs ESG et de réduction d’émissions carbone, pour un total de 8,5 milliards de dollars canadiens. Nous avons aussi mis en place un dispositif semblable auprès de nos employés avec un plan d’intéressement lié aux progrès réalisés par rapport à nos objectifs de neutralité carbone. Les performances de l’entreprise sur le terrain environnemental doivent être liées à la rémunération des collaborateurs si nous voulons que les actions individuelles s’alignent sur les objectifs ESG de l’entreprise.
Les gestionnaires d’actifs et les gestionnaires immobiliers étant essentiels pour créer une valeur durable, nous avons commencé à mettre en place des clauses incitatives « vertes » dans les contrats avec nos gestionnaires immobiliers afin de récompenser financièrement les améliorations réalisées en matière d’efficacité opérationnelle des bâtiments, notamment en matière d’intensité carbone. Nous aimerions qu’un concept similaire soit appliqué à la gestion d’actifs. Encourager ainsi notre écosystème de partenaires et de l’ensemble de notre chaîne d’approvisionnement sera un élément clé pour la création d’un large mouvement de transformation et un nécessaire changement de culture dans notre industrie immobilière. La création de structures de « rémunération verte » (ou « green promote ») qui intègrent les objectifs de performance ESG et carbone aux côtés des objectifs de performance financière créera une corrélation positive entre les objectifs de performance ESG et les objectifs de performance financière.
Ouvrir l’ère de la coopétition verte : nul n’est une île (verte)
Je suis convaincue que les investissements durables sont des investissements rentables à long terme et que nous pouvons faire bouger les choses et avoir un impact positif, à condition de bien choisir nos priorités. Pour y parvenir, il faudra plus qu’un effort de l’industrie. Nous devons réfléchir collectivement à ces sujets en tant que communauté. Nous devons obtenir un alignement profond sur les objectifs, la redéfinition de la chaîne de valeur, les modèles d’évaluation, les pratiques d’atténuation des risques et, enfin, la tarification du carbone et les leviers financiers à actionner. Nous devons nous battre tous ensemble, pour la planète. Je vous invite donc à nous rejoindre dans cette initiative.